TL;DR

  • Kunapipi / Gunabibi est une Grande Mère qui avale les garçons et les régurgite en tant qu’hommes lors de rites secrets.
  • Son totem du Serpent Arc-en-ciel (parfois son propre corps) incarne le sang, l’eau et la renaissance.
  • Le bourdonnement du rhombé est sa “voix”, prouvant que l’âme de l’initié a migré.
  • Yurlunggur répète le motif en engloutissant les sœurs Wawalag, puis en les vomissant tout en offrant des chants d’initiation.
  • D’autres mythes—les fosses à enfants-esprits d’Anjea et le rocher enceinte Erathipa—montrent des femmes/êtres serpents stockant ou injectant des âmes dans les humains.
  • Pris ensemble, ces récits encodent une théologie pan-australienne de renaissance digestive qui sous-tend l’initiation masculine tout en centrant le Principe Féminin.

1 · Kunapipi, “Vagin du Pays”#

Elle est sortie de la mer traînant un serpent arc-en-ciel, a donné naissance à des enfants-esprits, a mangé les garçons, puis a recraché des adultes.1

Pourquoi l’engloutissement ? La renaissance digestive dramatise la liminalité : le novice est à l’intérieur de la Mère/Serpent (non-humain), dissous, puis re-formé en tant que mâle pleinement socialisé. Le rite est scellé par le rhombé de Kunapipi—une planche de bois bourdonnante dont le son est son grondement intestinal ; seuls les hommes peuvent l’entendre.2

ÉlémentFonction dans le riteCharge symbolique
EngloutissementRetire l’ancienne identitéMort / retour aux eaux primordiales
Digestion“No man’s land” liminalFusion de l’âme ; secret tabou
RégurgitationConfère une nouvelle peauRenaissance, empreinte de clan, statut adulte

1.1 · Logique du Serpent Arc-en-ciel#

Sang, liquide amniotique, pluie, rivière—une métaphore hydrologique unique. Un Serpent Arc-en-ciel est le conduit plasmatique par lequel la vie s’écoule, donc le faire avaler des initiés est presque embarrassant de littéralité.

1.2 · Révélation de l’Esprit Jumeau#

Quand le rhombé “chante”, le jumeau-esprit (deuxième, soi invisible) de chaque initié est annoncé au camp, fixant son identité sociale.3


2 · Autres Mythes de Renaissance Digestive#

  1. Yurlunggur & les Sœurs Wawalag – Pays Yolngu
    • Le serpent avale deux sœurs + un nourrisson, s’étouffe, les vomit trois fois.
    • Résultat : première liturgie d’initiation Djunggawul ; le vomi est chant.
  2. Anjea – Cap York
    • Un être féminin garde des enfants-esprits désincarnés dans des fosses de sable marquées de croix de brindilles ; plus tard, elle façonne de nouveaux nourrissons à partir de boue et les insère dans des utérus.4
  3. Rocher Erathipa – Désert Central
    • Un rocher en permanence enceinte plein d’esprits fœtaux attendant de sauter dans les femmes de passage ; les femmes réticentes à la maternité se déguisent en aînées pour éviter l’imprégnation.5

Les trois répliquent la logique de Kunapipi : stockage → ingestion → libération des âmes.

Notes de bas de page#


Sources#

  1. Berndt, Ronald & Catherine. The Speaking Land: Myth and Story in Aboriginal Australia. Penguin, 1989.
  2. Lewis, David. “The Kunapipi Ritual in Arnhem Land.” Mankind 6 (1959): 421-430.
  3. Warner, W. Lloyd. A Black Civilization: A Social Study of an Australian Tribe. Harper, 1937.
  4. Swain, Tony. A Place for Strangers: Towards a History of Australian Aboriginal Being. Cambridge UP, 1993.
  5. Husain, Yasmin. “Rainbow Serpent Iconography and Hydrology.” Journal of Mythic Geography 2 (2021): 87-102.
  6. Maddock, Kenneth. Myth, Dream, and Religion. University of Hawaii Press, 1970.

  1. Berndt, R. M. “Kunapipi: An Aboriginal Mother Cult.” Oceania 12 (1942): 121–147. ↩︎

  2. Elkin, A. P. The Australian Aborigines: How to Understand Them. Angus & Robertson, 1938. ↩︎

  3. Stanner, W. E. H. “The Dreaming.” The Australian Journal of Anthropology 13 (1956): 231–247. ↩︎

  4. Thomson, D. “Anjea, the Sand Pit Spirit.” Man 44 (1944): 65–66. ↩︎

  5. Mountford, C. P. Nomads of the Australian Desert. Rigby, 1976. ↩︎