TL;DR

  • Partout en Australie, le rhombe marque l’initiation masculine et parle avec la voix d’un Ancêtre — célèbrement Daramulun dans le Sud‑Est — à l’intérieur d’une ontologie du Dreaming qui fusionne loi, terre et rituel Howitt 1904 ; Stanner 2014.
  • En PNG (surtout Sepik & Golfe), les cultes masculins utilisent flûtes sacrées, rhombes et tambours à fente comme voix d’esprits ; secret, tromperie des novices et révélation mise en scène en sont des traits centraux Aufenanger 1970 ; Telban 2014 ; Kirsch 1991.
  • J. van Baal a explicitement défendu l’hypothèse d’un lien historique Australie–sud de la Nouvelle‑Guinée centré sur le rhombe et des institutions alliées (totémisme, systèmes de sections) — un complexe « phallique commun », et non une simple coïncidence van Baal 1963 ; van der Leeden 1975.
  • Mécanisme : la connectivité sahulienne du Pléistocène tardif/Holocène ancien et les contacts continus via le détroit de Torres ont vraisemblablement servi de support à des grammaires rituelles partagées Sloss et al. 2018 ; Rowe 2007 ; David 2004.
  • Les traditions de PNG qui conservent des mythes selon lesquels « les femmes possédaient autrefois les flûtes » s’alignent structurellement sur les thèmes australiens du secret genré et des sacra sonores, même lorsque les détails narratifs divergent Herdt 1994 ; Aufenanger 1970.

« Le grondement du mudthi représente le murmure du tonnerre, et le tonnerre est la voix de Daramulun. »
— A. W. Howitt, Native Tribes of South‑East Australia (1904)


De la loi du Dreaming aux sacra sonores : le versant australien#

En Australie, le rhombe n’est pas un accessoire ; c’est un instrument juridique en son. Lors des complexes bora/kuringal il appelle, interdit et révèle — son « voix » vrombissante est indexée à l’autorité ancestrale (par ex. Daramulun chez les Yuin/Kamilaroi), avec des tabous stricts interdisant aux femmes et aux enfants de voir l’objet Howitt 1904. Cela s’inscrit dans l’ontologie plus large que Stanner a appelée le Dreaming : un régime où l’action ancestrale ancre le pays, la parenté et la procédure correcte — « everywhen », et non simplement « il était une fois » Stanner 2014.

Les monographies classiques (Spencer & Gillen ; Howitt) documentent le rôle du rhombe dans l’initiation, la transmission de messages, la météorologie/« voix du tonnerre », et dans la divulgation du savoir masculin aux novices sous peine de mort en cas de transgression — traits qui compteront plus bas lorsque nous regarderons vers le nord, au‑delà du détroit de Torres Howitt 1904.

Bref aperçu du complexe tambaran/flûtes en PNG#

Dans tout le Sepik et dans d’autres régions de PNG, les maisons des hommes (haus tambaran) organisent la vie cultuelle secrète ; flûtes sacrées, tambours à fente et rhombes donnent une présence audible aux ancêtres/êtres de la forêt. Femmes et non‑initiés doivent se cacher lorsque les instruments résonnent ; les novices sont d’abord trompés quant à la source de la « voix de l’esprit » avant la révélation au sein d’une initiation graduée Aufenanger 1970 ; Telban 2014. Les ethnographes notent à répétition la fonction de voix des instruments dans la musique rituelle du Sepik et leur lien étroit avec l’imagerie et l’autorité ancestrales « Middle Sepik music… » 2018. Chez les Yonggom voisins (région frontalière PNG–Irian Jaya), l’initiation mobilise voix de flûtes, de rhombes et de tambours pour gérer la peur, le secret et la divulgation mise en scène Kirsch 1991, ch. 11.

De nombreuses traditions de PNG conservent aussi des mythes selon lesquels les femmes possédaient autrefois les flûtes, ultérieurement appropriées par les hommes — un motif durable à travers les cultes masculins de la région Herdt 1994.

Un instantané comparatif#

CaractéristiqueAustralie (régions sélectionnées)PNG (Sepik/Golfe/Hautes Terres)Sources représentatives
« Voix » sonore d’êtres sacrésRhombe = tonnerre/voix de l’Ancêtre (par ex. Daramulun)Flûtes, tambours à fente et rhombes = voix d’ancêtres/esprits de la forêtHowitt 1904 ; Telban 2014
Secret/tabou genréFemmes/non‑initiés interdits de voir ; sanctions gravesFemmes doivent se cacher ; violations historiquement puniesHowitt 1904 ; Aufenanger 1970
Tromperie des novices → révélationOui, divulgation graduée des sacra durant l’initiationOui, voix d’esprit d’abord présentée de façon trompeuse aux novicesHowitt 1904 ; Kirsch 1991
Charte mythiqueÊtres du Dreaming instituent loi/rituelÊtres ancestraux habitent/autorise l’art & les instruments ; flûtes parfois « à l’origine féminines »Stanner 2014 ; Herdt 1994 ; Doran citant Tuzin/Newton
InstrumentariumRhombe ubiquitaire ; variantes régionalesFlûtes sacrées & tambours à fente centraux ; rhombes attestésHowitt 1904 ; Aufenanger 1970 ; JSO 2018

Qui a réellement défendu l’idée d’un lien historique ?#

Réponse courte : J. van Baal l’a fait, clairement. Dans un article comparatif de 1963, van Baal lit le complexe du rhombe en Australie et dans le sud de la Nouvelle‑Guinée comme une seule et même institution centrée sur le phallus et va au‑delà de l’instrument pour pointer des affinités structurelles plus larges — totémisme chez les Marind‑anim et les Orokolo vis‑à‑vis des systèmes australiens, et parallèles entre les systèmes de sections australiens et l’organisation clanique du sud de la PNG. Il traite cela comme un phénomène historico‑culturel, non comme une convergence aléatoire van Baal 1963.

A. C. van der Leeden a renforcé l’argument une décennie plus tard, formulant explicitement des « similarités significatives » entre le sud‑est d’Arnhem Land (Nunggubuyu) et le sud de la Nouvelle‑Guinée (Marind‑anim), citant l’étude de van Baal sur le rhombe comme emblématique d’une comparaison Australie–PNG nécessaire van der Leeden 1975 (voir aussi le synopsis de la réimpression chez Brill) van der Leeden 1975 (Brill PDF).

Si l’on souhaite une corroboration spécifiquement PNG du fait que le rhombe lui‑même appartient aux cultes masculins de Nouvelle‑Guinée (et pas seulement les flûtes), on consultera la note ciblée de Francis Edgar Williams sur les rhombes du golfe de Papouasie et les descriptions ultérieures des pratiques du Sepik ; toutes deux sont explicites quant à la présence de l’instrument et au régime de tabou qui l’entoure Williams 1936 ; Aufenanger 1970.

Pourquoi Sahul importe (et comment le pont ne s’est pas volatilisé d’un coup)#

L’Australie et la Nouvelle‑Guinée formaient la masse continentale unique Sahul au Pléistocène tardif. La montée post‑glaciaire du niveau marin a entaillé le seuil d’Arafura vers ~11 700 cal BP ; le niveau marin a atteint ~son niveau actuel vers ~7 700 cal BP, achevant la mise en place de la barrière maritime qu’est aujourd’hui le détroit de Torres Sloss et al. 2018. Les travaux paléoécologiques dans le détroit de Torres situent de même la formation des îles et les changements de végétation dans la fenêtre 8 000–7 000 BP, ce qui concorde avec une fragmentation progressive plutôt qu’une rupture du jour au lendemain Rowe 2007. L’archéologie montre ensuite une occupation continue et des interactions à travers l’archipel en formation (par ex. Badu), offrant largement le temps nécessaire pour que des grammaires rituelles circulent, se diffusent et se stabilisent sur les deux rives David 2004.

Pris ensemble : un corridor crédible (Sahul → détroit de Torres) plus des structures rituelles et des instruments homologues → une hypothèse historique dotée d’un réel pouvoir explicatif. Ce n’est pas un évangile, mais c’est plus que de simples intuitions.


FAQ#

Q1. Le rhombe est‑il réellement attesté dans les cultes masculins de PNG, ou n’est‑ce qu’une analogie tirée de l’Australie ?
R. Il est attesté. Les sources du Sepik et du golfe de Papouasie mentionnent des rhombes aux côtés des flûtes sacrées ; les femmes doivent se cacher lorsqu’ils résonnent Aufenanger 1970 ; Williams 1936.

Q2. Qui a défendu le plus clairement le lien Australie–PNG ?
R. J. van Baal (1963) à propos du complexe du rhombe et de parallèles institutionnels plus larges ; suivi par A. C. van der Leeden (1975) comparant Arnhem Land et les Marind‑anim van Baal 1963 ; van der Leeden 1975.

Q3. Qu’en est‑il du motif « les femmes possédaient autrefois les flûtes » ? L’Australie le partage‑t‑elle ?
R. Il est omniprésent dans la mythologie et la politique rituelle des cultes masculins de PNG Herdt 1994. L’Australie partage plus largement le secret genré et les sacra sonores ; les récits spécifiques de « flûtes autrefois féminines » sont bien plus forts (et ethnographiquement centraux) en PNG.

Q4. Le « Dreaming » est‑il une grille de lecture utile pour le versant PNG ?
R. À manier avec prudence. Les ontologies tambaran de PNG sont spécifiques ; la comparaison fonctionne au niveau de la structure (loi ancestrale via le son, secret, initiation graduée), non en postulant des cosmologies identiques Stanner 2014 ; Telban 2014.


Notes#


Sources#