TL;DR
- La participation mystique désigne un mode de conscience dans lequel personnes et choses partagent un champ « d’identité partielle », et non une nette division sujet–objet.1
- L’ethnographie, la psychologie du développement, la religion et le comportement des foules montrent tous des cas où le « nous » et le « ça » sont réellement vécus comme un seul et même processus plutôt que comme des entités séparées.23
- Le concept rend mieux compte du totémisme, des cultes de reliques, de la possession par les esprits, de la fusion identitaire et de l’animisme ordinaire que les modèles purement « symboliques » ou de choix rationnel.45
- L’échafaudage évolutionniste de Lévy-Bruhl (primitif vs moderne) était erroné, mais l’intuition sous-jacente concernant la pluralité des styles de pensée reste valide.67
- La théorie est tombée en disgrâce en grande partie parce que les chercheurs sont devenus allergiques à l’idée de parler de mentalités différentes, préférant aplatir tout dans un style universel de raison.
« Le dieu du clan … ne peut donc être autre chose que le clan lui-même, personnifié et représenté par le totem. »
— Émile Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse (1912)8
L’affirmation : les esprits ont des textures différentes#
Lucien Lévy-Bruhl a forgé l’expression participation mystique pour décrire un « lien psychologique particulier » dans lequel le sujet ne se distingue pas clairement de l’objet, mais lui est lié par une relation « équivalant à une identité partielle ». Carl Jung a ensuite repris l’expression pour désigner précisément ce type de frontière floue.910
L’objection standard est : « Tout le monde, partout, est aussi logique que tout le monde ; la “mentalité primitive”, c’est du colonialisme. » Il y a là quelque chose de juste : l’échelle de Lévy-Bruhl allant du prélogique au logique était téléologique, condescendante et empiriquement fragile.7 Mais si l’on enlève la suffisance parisienne des années 1910, il reste un noyau têtu :
- Beaucoup de gens, à de nombreuses époques et en de nombreux lieux, ne se vivent pas comme des ego cartésiens clos inspectant un monde neutre.
- Ils habitent un champ de relations où personnes, animaux, ancêtres, reliques et lieux partagent substance, agentivité et destin.
C’est ce champ que désigne la « participation mystique ». Ce n’est pas une insulte ; c’est une hypothèse phénoménologique sur la manière dont le soi et le monde peuvent être configurés.
Pour donner au concept sa meilleure forme, je veux faire trois choses :
- Montrer des exemples ethnographiques où « l’identité partielle » n’est pas une métaphore mais une ontologie vécue.
- Montrer des parallèles dans le développement, la religion et la psychologie des groupes modernes.
- Soutenir que sans ce concept, beaucoup de données sont forcées dans des boîtes déformantes — « symbole », « croyance » ou « biais » — et perdent leur structure.
Ensuite, à la fin, nous pourrons parler de pourquoi l’idée a été enterrée et pourquoi cet enterrement était trop net.
Ce que Lévy-Bruhl a réellement vu
Les clans totémiques : l’animal est le peuple#
L’étude du totémisme australien par Durkheim — l’une des principales sources d’inspiration de Lévy-Bruhl — soutient que l’animal totem est simultanément le symbole du dieu et du clan.[^durkforms][^durksummary] Il pousse très loin l’idée d’identité :
Le dieu du clan « ne peut donc être autre chose que le clan lui-même, personnifié et représenté … sous la forme visible de l’animal ou du végétal qui sert de totem ». [^durkforms]
L’idée n’est pas que les gens « croient comme si ils étaient des émeus ». Plutôt :
- Le clan, l’animal totem et le principe sacré sont la même chose vue sous des descriptions différentes.
- Manger le totem, violer ses tabous ou porter son image n’est pas seulement une action symbolique ; cela modifie la substance partagée du clan et de la créature.
L’anthropologie durkheimienne ultérieure n’a cessé de revenir sur ce thème : Maurice Bloch, par exemple, décrit le rituel et la parenté comme « entrant et sortant les uns des autres corps », un flux littéral de substance et d’identité, non une métaphore pour « sentiments intenses ».[^bloch]
Ce que Lévy-Bruhl appelle participation mystique est un nom pour ce chevauchement ontologique. Le clan n’a pas un concept de « représentation » interposé entre soi et monde ; il a des relations de participation.
Mana, âmes et agentivité diffuse#
Les livres de Lévy-Bruhl sont saturés d’exemples de forces de type mana : des puissances diffuses qui résident dans les personnes, les objets et les mots, et les rendent efficaces.[^levyhow][^levyprim] Il décrit des cas où :
- Le nom, l’ombre ou le sang d’un chasseur peuvent être blessés, volés ou manipulés, avec de réelles conséquences corporelles.
- Une malédiction n’est pas seulement de la parole ; c’est l’extension de l’agentivité d’une personne à travers le langage jusque dans le corps de la victime.
- Les lieux et objets sacrés sont dangereux parce qu’ils sont des concentrations enroulées de puissance collective.
Durkheim parle de la même manière des « représentations collectives » : des classifications et symboles sociaux qui constituent la manière dont les choses sont éprouvées, et pas seulement la manière dont elles sont étiquetées.[^durkclass][^peacock] Le monde n’est pas un ensemble d’objets inertes sur lesquels on collerait des significations ; le champ social est intégré à ce qui compte comme une chose en premier lieu.
C’est exactement la structure que Lévy-Bruhl vise : sujet et objet sont reliés de manière à faire de l’identité partielle la norme et de la séparation stricte l’exception étrange.
Nous redécouvrons sans cesse la participation mystique#
Le geste du critique est : « Certes, ils disent que le totem est le clan, mais en réalité cela signifie seulement qu’ils le représentent symboliquement ; au fond, ils pensent comme nous. » Le problème est que ce même geste d’aplatissement devient impossible dès que l’on remarque à quel point quelque chose comme la participation apparaît souvent dans des contextes qui ne sont pas prudemment « primitifs ».
Les enfants : l’animisme comme défaut#
Piaget et ses successeurs ont observé que les jeunes enfants attribuent couramment vie, conscience et intention morale à des objets inanimés.[^piaget1][^piaget2]
- « La lune me suit. »
- « La chaise est méchante parce qu’elle m’a frappé. »
- « L’ours en peluche est fatigué et doit rester à la maison. »
Les textes de psychologie du développement appellent encore cela animisme — la croyance que les objets sont vivants et possèdent une conscience.3 Ce n’est pas de la stupidité ; c’est une manière d’organiser l’expérience où :
- La frontière entre soi et objet est perméable.
- Mouvement, attention et valence morale traversent cette frontière.
On peut interpréter cela comme une « erreur » par rapport à une ontologie physique adulte. Mais phénoménologiquement, c’est très proche de la participation mystique : l’enfant et le monde partagent un champ d’agentivité.
Religion : reliques, saints et substance partagée#
Prenons les cultes de reliques médiévaux et modernes. Les os, dents et morceaux de tissu appartenant aux saints étaient conservés et vénérés parce qu’ils portaient la puissance du saint ; les gens parcouraient de longues distances pour prier en leur présence et chercher la guérison.[^relictalk]11
Des historiens des religions comme Peter Brown décrivent le culte des saints comme effaçant la frontière entre ciel et terre, localisant la présence du saint dans les restes physiques et les tombeaux.1213
- Le corps du saint n’est pas un souvenir ou un symbole du saint ; c’est là que le saint est.
- Le tombeau est le « lieu principal de sa puissance », le site d’où rayonnent protection et miracles.13
Là encore : ce n’est pas réductible à une « croyance en la magie » greffée sur un sujet cartésien par ailleurs. Le saint, la relique, le sanctuaire et la communauté existent dans un nœud d’identité partielle : nuire à l’un, c’est nuire à tous ; honorer l’un, c’est participer à la même sainteté.
Possession spirite et corps loué#
Dans de nombreuses traditions religieuses afro-brésiliennes — par exemple le Candomblé — les rituels tournent autour de la possession par les esprits : la divinité « chevauche » le dévot, qui parle et agit comme le dieu.144
Les anthropologues cognitifs contemporains traitent ces événements de possession comme faisant partie d’un répertoire stable de la religiosité humaine plutôt que comme des marges exotiques.[^religcog]14
Mais si l’on prend les participants au sérieux, la possession n’est pas seulement du « jeu de rôle ». Pendant la possession :
- L’humain et la divinité partagent un corps.
- Parole, gestes et mémoire ne sont pas clairement attribuables à l’un ou à l’autre.
- La responsabilité est réellement distribuée : « C’était l’orixá qui parlait. »
On peut forcer cela dans des cadres de « croyances sur l’agentivité », ou l’on peut dire ce qui est évident : à ce moment-là, la frontière entre personnes est réorganisée. La dyade dieu–adorateur est un système unique.
Fusion identitaire moderne : « Je suis mon groupe »#
Avançons jusqu’à la psychologie sociale contemporaine. La théorie de la fusion identitaire décrit un état dans lequel les identités personnelle et groupale deviennent « fonctionnellement équivalentes et mutuellement renforçantes », produisant des frontières inhabituellement poreuses entre soi et groupe.5[^newsonfusion]
Les individus fusionnés ressentent :
- Une « unité avec le groupe » viscérale et
- Une volonté de se sacrifier pour lui qui dépasse les effets standard de l’identité sociale.[^fusiondef]15
Les travaux empiriques montrent que les personnes fortement fusionnées traitent les menaces envers le groupe comme des menaces envers soi, et approuvent des comportements pro-groupe extrêmes, y compris des actions dangereuses ou violentes.15[^chin]
Whitehouse et ses collaborateurs relient cela à des rituels à forte arousal émotionnelle qui « fusionnent » les mémoires personnelles et collectives.4[^paez]
Relisez cela dans l’idiome de Lévy-Bruhl : voici des citoyens de la modernité tardive, non des « primitifs », entrant dans un état où l’individu est partiellement identique au groupe. Participation mystique, passée au laboratoire.
Animisme et anthropomorphisme ordinaires#
L’anthropologue Stewart Guthrie, dans Faces in the Clouds, soutient que la religion s’explique mieux comme anthropomorphisme systématique : voir le monde comme humain et réactif.16[^guthrie2]
Mais Guthrie note aussi que cette habitude ne se limite pas à la religion formelle. Nous parlons aux ordinateurs, jurons contre les voitures, nous sentons observés par les caméras de surveillance, et attribuons une malveillance intentionnelle au « marché ».[^guthrie2]
Là encore, on peut appeler cela un « biais ». Ou l’on peut admettre que les humains vivent constamment dans un monde où :
- Les entités non humaines sont traitées comme des co-participants dans la vie morale.
- La subjectivité est projetée vers l’extérieur puis éprouvée comme revenant vers nous.
Cette boucle — projeter, perdre de vue la projection, puis s’y trouver lié — est exactement ce que Jung visait lorsqu’il associait sans cesse participation mystique et projection.9[^projlex]
Une distorsion utile : trois manières de relier soi et monde#
C’est ici que la participation mystique fournit un véritable pouvoir explicatif. Elle nous donne une troisième option entre « tout est littéral » et « tout est symbolique ».
| Mode de relation | Frontière soi–monde | Exemples typiques |
|---|---|---|
| Participation mystique | Poreuse ; personne et objet/autrui partagent substance ou agentivité | Totems ; reliques ; possession ; fusion de groupe intense |
| Représentation symbolique | Frontière claire ; l’objet représente autre chose | Drapeaux nationaux ; logos d’entreprise ; métaphores rituelles |
| Posture objectiviste | Frontière dure ; le monde est une matière inerte ; l’esprit est spectateur | Mesure scientifique ; usage instrumental d’outils |
Ce schéma est volontairement grossier, mais remarquez :
- Dans la participation mystique, nuire à l’objet, c’est nuire à la personne ; la relation est ontologique.
- Dans le symbolique, détruire le drapeau est une insulte, pas littéralement tuer la nation.
- Dans l’objectivisme, le drapeau est un pigment sur du tissu plus, éventuellement, une convention sociale.
Le reproche adressé à Lévy-Bruhl était qu’il voulait ranger des cultures entières dans la première case tout en réservant la troisième pour lui-même et ses amis. C’est recevable. Mais l’affirmation plus forte — que la première case n’existe tout simplement pas — est moins défendable à la lumière des exemples ci-dessus.
Une fois que l’on admet que ces modes existent, on peut demander :
- Quelles situations invitent tel ou tel mode ?
- Comment les gens passent-ils de l’un à l’autre ?
- Que se passe-t-il lorsqu’ils entrent en conflit à l’intérieur d’une même personne ou d’une même société ?
C’est un programme de recherche bien plus riche que « tout le monde est secrètement un rationaliste de la modernité tardive maximisant l’utilité ».
Pourquoi la participation mystique résout de vrais casse-têtes
Puissance rituelle sans embarras métaphysique#
Les anthropologues et les scientifiques cognitifs de la religion se sont demandé pourquoi les rituels paraissent puissants et pourquoi ils lient si fortement les groupes. Les travaux sur les « modes de religiosité » et la cognition rituelle montrent que les rituels causalement opaques et à forte arousal favorisent une cohésion sociale durable et la fusion identitaire.4[^religcog]14
La participation mystique offre une prise intuitive sur ce phénomène :
- Opacité causale + affect intense ≈ nous cessons de traiter les actions comme de simples signaux et commençons à les traiter comme des sites d’être partagé.
- Serments de sang, cicatrices d’initiation, chants collectifs ou marches ne font pas que « signaler l’engagement » ; ils tricotent le soi et le groupe en une substance commune.
Le rituel fonctionne parce que la participation n’est pas seulement dans la tête ; elle est mise en acte dans les corps, les espaces et les choses.
Pourquoi certains objets sont « plus que des objets »#
Pensez à :
- Une alliance que vous refusez de remplacer alors que des copies identiques existent.
- Un maillot « signé par le joueur lui-même ».
- Un jouet d’enfance qu’on ne peut jeter parce que « une partie de moi est dedans ».
L’économie standard et la sémiotique peuvent expliquer une partie de cela comme valeur sentimentale ou indexicalité. La participation mystique va plus loin : l’objet est un morceau d’une personne étendue.
C’est pourquoi la destruction de certains objets est ressentie comme une mutilation. Dans les cultes de reliques médiévaux, le tombeau du saint est explicitement traité comme « le lieu principal de sa puissance » ; l’endommager est un sacrilège, non un simple vandalisme.13 Les supporters modernes qui s’indignent lorsqu’un stade est démoli ne sont pas des créatures entièrement différentes.
Expliquer le particularisme moral sans supposer la stupidité#
Les recherches sur la fusion montrent que les individus fortement fusionnés sont plus disposés à se sacrifier pour leur groupe, mais aussi plus enclins au particularisme moral et à l’hostilité envers les exogroupes.1517[^chinchilla]
Si je suis mon groupe, alors :
- Les menaces envers « nous » sont des menaces existentielles envers « moi ».
- Les normes valables à l’intérieur du cercle fusionné peuvent ne pas s’appliquer à l’extérieur.
Cela paraît moralement laid d’un point de vue universaliste. Mais conceptuellement, c’est limpide : la participation mystique au niveau du groupe prédit exactement ce schéma sans postuler d’irrationalité. Le même mécanisme qui permet à des moines de mourir pour leur monastère peut alimenter des hooligans de football ou des cellules extrémistes.
Pourquoi le concept a été enterré (pour de mauvaises raisons, le plus souvent)#
La réputation de Lévy-Bruhl s’est effondrée dans l’anthropologie du milieu du XXᵉ siècle, et la participation mystique a coulé avec le navire. Les accusations standard :
- Évolutionnisme et ethnocentrisme. Il opposait une mentalité primitive « prélogique, mystique » à une mentalité occidentale pleinement logique, impliquant une échelle de développement.[^levyrevival]7
- Sous-estimation de la rationalité. Les ethnographes ont montré que les prétendus primitifs savaient très bien raisonner dans les affaires pratiques, et que leurs « contradictions » se dissipaient souvent une fois le contexte compris.[^delaguna][^critique]
- Sa propre rétractation. Tard dans sa vie, dans des carnets publiés à titre posthume, Lévy-Bruhl a adouci ses premières thèses et admis que les modes « primitifs » et « modernes » pouvaient coexister chez une même personne.[^levyrevival][^levyentry]
Tout cela est juste, jusqu’à un certain point. Mais remarquez ce qui a été jeté avec le mauvais échafaudage :
- L’affirmation qu’il existe plusieurs manières stables d’éprouver les relations soi–monde.
- L’insistance sur le fait que certaines de ces manières impliquent un véritable chevauchement ontologique, et pas seulement des « croyances » que l’on pourrait traduire dans nos propres catégories sans reste.
Une grande partie de l’anthropologie de milieu de siècle voulait défendre « l’Autre » en disant, en substance, « ils sont comme nous, seulement avec des coutumes différentes ». De l’autre côté, une certaine science cognitive universaliste tend à dire « ils sont comme nous, seulement avec des réglages de paramètres différents ». Dans les deux cas, l’impulsion est à l’aplatissement.
La participation mystique est inconfortable parce qu’elle refuse cet aplatissement. Elle dit :
- Non, parfois les gens habitent réellement un monde où personnes, objets et groupes partagent substance.
- Non, vous ne pouvez pas entièrement redécrire cela dans le langage des symboles, croyances ou préférences sans perdre quelque chose d’essentiel.
Cela ne rend pas la « mentalité primitive » inférieure. Cela signifie simplement que l’espace des esprits possibles est plus vaste qu’un seul.
FAQ #
Q 1. La participation mystique signifie-t-elle que « les non-Occidentaux sont irrationnels » ?
R. Non. L’affirmation forte est que tout le monde peut entrer, et entre effectivement, dans des états où les frontières soi–monde se brouillent ; l’erreur de Lévy-Bruhl a été de cartographier ces états sur une échelle rigide de cultures, non de les remarquer.
Q 2. En quoi la participation mystique diffère-t-elle du simple symbolisme ?
R. Le symbolisme présuppose un écart entre signe et référent ; la participation mystique nie ou suspend cet écart, de sorte que nuire au « signe », c’est, en un sens réel, nuire à la chose elle-même.
Q 3. Existe-t-il aujourd’hui un soutien empirique pour quelque chose comme la participation mystique ?
R. Oui : les recherches sur la fusion identitaire, les études sur les rituels à forte arousal, les ethnographies de la possession spirite et les travaux développementaux sur l’animisme montrent tous des schémas récurrents de frontières poreuses entre soi et monde.4153
Q 4. Lévy-Bruhl a-t-il lui-même abandonné l’idée ?
R. Il s’est éloigné de la dichotomie forte primitif–moderne dans ses carnets, mais des historiens récents soutiennent que la notion centrale de « participation » reste au cœur de sa pensée mûre.718
Q 5. Pourquoi cela importe-t-il pour penser la conscience ?
R. Si la conscience est historiquement plastique, alors comprendre des modes comme la participation mystique nous aide à voir que le soi égoïque, borné, n’est pas la seule manière d’organiser la subjectivité.
Notes#
Sources#
- Jung, C. G. Psychological Types. Princeton University Press, 1971 (éd. orig. 1921). Voir en particulier la discussion de la participation mystique et de l’identité archaïque.[^pmwiki][^jungsite]
- Lévy-Bruhl, Lucien. How Natives Think. Knopf, 1925. Traduction anglaise de Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures, qui introduit la « loi de participation ».[^levyhow]
- Lévy-Bruhl, Lucien. Primitive Mentality. Allen & Unwin, 1923 ; Routledge Revivals, 2018. Prolonge l’analyse de la participation mystique et de la mentalité prélogique.[^levyprim]
- Mousalimas, S. A. “The Concept of Participation in Lévy-Bruhl’s ‘Primitive Mentality’.” JASO 21(1) (1990) : 33–46. Clarifie la participation comme noyau du système de Lévy-Bruhl.[^mousalimasart]
- Bogdanović, Miloš. “The Theory of Primitive Mentality and the Problem of Cultural Relativism.” 2024. Réévalue l’héritage de Lévy-Bruhl et soutient sa pertinence actuelle.[^bogdanovicart]
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- Whitehouse, Harvey. “Cognitive Evolution and Religion.” Issues in Ethnology and Anthropology 3(3) (2008) : 7–36.[^whitehousecogart]
- Newson, Martha, et al. “The Role of Identity Fusion and Self-Shaping Group Events.” PLOS ONE 11(8) (2016). Sur les événements de groupe transformateurs et la fusion.[^newsonfusion]
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- Varmann, A. H., et al. “How Identity Fusion Predicts Extreme Pro-Group Orientations.” Méta-analyse de la fusion et des comportements extrêmes.[^fusionmetaart]
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- Reese, Elaine, et Harvey Whitehouse. “The Development of Identity Fusion.” Perspectives on Psychological Science 16(4) (2021). Sur les trajectoires de vie menant à la fusion.[^fusioncrimeart]
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- Winborn, Mark. “Participation Mystique: An Overview.” IAAP (2019). Élaboration jungienne à partir de Lévy-Bruhl.[^jungsite]
- Auteurs divers. “How Natives Think – summary and commentary.” Compilations sur Academia.edu ; utile pour les deux thèses de Lévy-Bruhl.[^levyentry]
- Thomas, William I. “Review of Primitive Mentality by Lucien Lévy-Bruhl.” New Republic (1923). Critique précoce d’un point de vue sociologique.[^critique]
[^durkforms] : Durkheim 1912, résumé sur le site de l’Université de Chicago.
[^durksummary] : Voir aussi le résumé concis dans l’article Elementary Forms.
[^durkclass] : Durkheim & Mauss, Primitive Classification.
[^peacock] : Peacock 1981 sur l’influence de Durkheim sur les catégories cognitives.
[^levyhow] : Lévy-Bruhl, How Natives Think (éd. anglaise).
[^levyprim] : Lévy-Bruhl, Primitive Mentality ; voir le résumé dans la réimpression moderne.
[^levyrevival] : Brève vue d’ensemble des thèses de Lévy-Bruhl et de leur réception ultérieure.
[^levyentry] : Comme ci-dessus, résumés de How Natives Think.
[^delaguna] : de Laguna 1940, « Lévy-Bruhl’s Contributions to the Study of Primitive Mentality. »
[^mousalimasart] : Mousalimas 1990, JASO.
[^bogdanovicart] : Bogdanović 2024 sur la mentalité primitive et le relativisme.
[^piaget1] : Résumé SimplyPsychology du stade préopératoire de Piaget et de l’animisme.
[^piaget2] : OpenStax, Lifespan Development, sur l’animisme dans la petite enfance.
[^animismgloss] : Entrée du glossaire d’Athabasca sur l’animisme.
[^whitehousecogart] : Whitehouse 2008, « Cognitive Evolution and Religion. »
[^tiesbind] : Whitehouse 2014, « The Ties That Bind Us. »
[^religcog] : Voir Religion, Anthropology, and Cognitive Science pour une vue d’ensemble.
[^newsonfusion] : Newson et al. 2016 sur les événements de groupe qui façonnent le soi et la fusion.
[^fusiondef] : Swann et al., la fusion identitaire comme « oneness with the group ».
[^fusionmetaart] : Varmann et al., méta-analyse de la fusion et des orientations pro-groupe extrêmes.
[^fusioncrimeart] : Reese & Whitehouse 2021 sur la fusion et l’auto-sacrifice.
15 : Voir aussi la revue systématique sur la fusion identitaire.
17 : Travaux plus récents sur la fusion et le crime, par ex. Newson 2025.
[^chin] : Chinchilla et al. 2022 sur la fusion comme prédicteur d’actes violents pro-groupe.
[^paez] : Páez & Rimé 2013 sur les rassemblements émotionnels collectifs et l’identité.
[^relicsmellart] : Brazinski 2013 sur les ossements de saints et l’authentification des reliques.
11 : Voir aussi des résumés de vulgarisation sur les croyances relatives aux reliques et leur pouvoir de guérison.
[^reliclocusart] : Head 2013 sur les tombeaux comme lieu principal du pouvoir d’un saint.
12 : Brown, The Cult of the Saints.
[^browncult] : Voir aussi des résumés secondaires de la thèse de Brown.
[^guthrie2] : Guthrie, Faces in the Clouds ; voir des résumés mettant l’accent sur l’anthropomorphisme systématique.
[^guthriecore] : Résumé et discussion de Guthrie 1993.
[^pmwiki] : Aperçu Wikipédia de la participation mystique et de son adoption par Jung.
[^projlex] : Entrée de l’encyclopédie sur la projection et la participation mystique.
[^jungsite] : Livre blanc de l’IAAP sur la participation mystique chez Jung.
14 : Whitehouse 2014 sur le rituel, la cohésion et la fusion identitaire.
4 : Résumé par Whitehouse du rituel et de la fusion sur son site.
[^bloch] : Bloch 2007, « Going in and out of each other’s bodies. »
[^critique] : Thomas 1923, compte rendu de Primitive Mentality.
Formulation classique de Jung : la participation mystique désigne un lien psychologique où sujet et objet ne sont pas clairement distingués, équivalant à une identité partielle (Jung, Types psychologiques). Résumé dans les lexiques standard de psychologie analytique.10[^jungsite] ↩︎
L’analyse par Durkheim du totémisme et des représentations collectives sous-tend l’idée de Lévy-Bruhl selon laquelle l’ontologie sociale primitive est participative plutôt que représentationnelle.[^durkforms][^durkclass] ↩︎
Les textes de psychologie du développement décrivent la tendance des enfants à traiter les objets comme vivants et intentionnels — « la lune me suit », « la chaise est méchante » — sous la rubrique de l’animisme.[^piaget1][^piaget2][^animismgloss] ↩︎ ↩︎ ↩︎
Harvey Whitehouse et ses collègues relient les rituels à forte arousal à une forte cohésion sociale et à la fusion identitaire ; voir The Ties That Bind Us et les travaux associés sur rituel et cognition.[^tiesbind][^religcog] ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎
La théorie de la fusion identitaire décrit explicitement une frontière poreuse entre soi personnel et soi social, où groupe et individu sont ressentis comme une « parenté psychologique ».[^fusiondef]15 ↩︎ ↩︎
Comment pensent les indigènes et La mentalité primitive de Lévy-Bruhl développent l’idée de représentations collectives et de loi de participation comme fondamentales pour la pensée dite primitive.[^levyhow][^levyprim] ↩︎
Des réévaluations récentes soutiennent que la théorie de Lévy-Bruhl est plus ambivalente et autocritique que ne le suggère la caricature, et demeure importante pour les débats sur le relativisme culturel.[^bogdanovicart] ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎
Voir la formulation de Durkheim dans Les formes élémentaires de la vie religieuse, où le totem est simultanément le symbole du dieu et du clan, de sorte que dieu et société ne font « qu’un ».[^durksummary] ↩︎
Carl Jung crédite Lévy-Bruhl pour le terme et l’utilise pour décrire l’identité archaïque entre ego et monde ; voir [Jung, Types psychologiques] et les discussions ultérieures.10[^jungsite] ↩︎ ↩︎
Voir les définitions concises dans les ouvrages de référence jungiens et les encyclopédies de psychologie analytique.[^pmwiki][^projlex] ↩︎ ↩︎ ↩︎
Les enquêtes historiques sur la vénération des reliques mettent en évidence la croyance en des pouvoirs de guérison et de protection attachés aux restes des saints.[^relicsmellart] ↩︎ ↩︎
Les travaux de Peter Brown sur le culte des saints détaillent la manière dont les reliques étaient vécues comme des extensions de l’agentivité du saint dans l’Antiquité tardive.[^browncult] ↩︎ ↩︎
Les travaux sur les cultes de reliques soulignent le tombeau ou le corps du saint comme lieu principal de puissance et de présence, non comme simple rappel.[^reliclocusart] ↩︎ ↩︎ ↩︎
Les anthropologues cognitifs analysent la possession spirite comme un mode récurrent de religiosité, mettant l’accent sur l’agentivité partagée et les frontières de soi altérées plutôt que sur le simple jeu de rôle.[^whitehousecogart] ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎
Des méta-analyses montrent que la fusion identitaire prédit des orientations pro-groupe extrêmes, y compris l’auto-sacrifice, au-delà des mesures standard d’identité sociale.[^fusionmetaart] ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎
Faces in the Clouds de Stewart Guthrie définit la religion comme anthropomorphisme systématique — voir des phénomènes non humains comme semblables à des humains.[^guthriecore] ↩︎
Des travaux récents suggèrent que la fusion identitaire peut être utile pour comprendre des comportements pro-groupe extrêmes, y compris la criminalité et la violence.[^fusioncrimeart] ↩︎ ↩︎
L’article classique de S. A. Mousalimas clarifie que la « participation » est au centre de la théorie de Lévy-Bruhl, non une métaphore accessoire mais sa clef de voûte.[^mousalimasart] ↩︎