TL;DR

  • Les langues aborigènes australiennes présentent une diversité remarquable avec plus de 250 langues distinctes réparties entre les familles pama-nyungan et non pama-nyungan.
  • Les principaux ensembles de cognats proposés incluent les pronoms (ngay « je »), les verbes de base (bu- « frapper », nya- « voir ») et les termes de parenté (kaka « oncle maternel »).
  • Les reconstructions du proto-australien suggèrent un vocabulaire ancien partagé pour des concepts fondamentaux comme « main » (mara), « s’asseoir » (nyin-) et « cuire » (ne-).
  • Les preuves couvrent les deux grandes familles de langues, ce qui indique soit une ascendance commune, soit des contacts préhistoriques étendus à travers le continent.
  • Ces cognats fournissent des éléments cruciaux pour comprendre la préhistoire linguistique de l’Australie et les premiers schémas de peuplement humain.

Cognats en Australie : Profondes connexions linguistiques à travers le continent#

Ensembles de cognats proposés dans les langues aborigènes australiennes : Les linguistes historiques ont identifié un certain nombre d’unités lexicales présentant des formes et des sens similaires dans les langues autochtones d’Australie – couvrant à la fois la superfamille pama-nyungan et les groupes non pama-nyungan. Ci-dessous figure une liste structurée d’ensembles de cognats notables proposés, incluant la glose en anglais, des formes représentatives issues de différentes langues (avec indication de la famille) et des commentaires sur les reconstructions ou les explications alternatives.

Principaux ensembles de cognats

Pronoms et grammaire de base#

« Je » (pronom de première personne du singulier) – par ex. Warlpiri (pama-nyungan) ngaju, Gamilaraay (pama-nyungan) ngaya, Nunggubuyu (non pama-nyungan) ngayi, signifiant tous « je, moi ». Une racine commune ŋa- (souvent développée en ŋay ou ngaju) est largement attestée. Les linguistes historiques reconstruisent le proto-australien ŋay pour le pronom de 1re personne du singulier, qui se reflète dans les langues pama-nyungan et non pama-nyungan. Cette racine pronominale est donc considérée comme une preuve solide d’un lien génétique profond.

Verbes d’action de base#

« Frapper / tuer » (verbe) – par ex. Gamilaraay buma-li « frapper, battre » (pama-nyungan) ; Yolŋu Matha pu- « tuer » ; Nunggubuyu bu- « frapper » (non pama-nyungan). Une racine monosyllabique bu- (parfois avec un augment consonantique -m) est reconstruite pour le proto-australien avec le sens « frapper, porter un coup, tuer ». La présence étendue de bu ~ pu avec ce sens dans des langues très éloignées suggère soit un héritage d’un ancêtre commun, soit une diffusion ancienne.

« Voir » (verbe) – par ex. Warlpiri nyanyi « voir », Dharug nhaa- « voir », Guugu Yimithirr nhami « voir, regarder ». Une racine nya- pour « voir » est extrêmement répandue en pama-nyungan, reconstruite comme proto-pama-nyungan ña(ː)- « voir ». Dixon a proposé un cognat proto-australien na- (~nyaa) pour « voir ».

« S’asseoir / rester » (verbe) – par ex. Pitjantjatjara nyinanyi « s’asseoir, rester », Djapu Yolŋu nyena « assieds-toi ! », Kayardild nyintha- « s’asseoir ». Une racine cognate nyin- signifiant « s’asseoir, s’asseoir par terre, demeurer » se retrouve dans de nombreuses langues pama-nyungan, reconstruite comme proto-pama-nyungan ñiːna- « s’asseoir ».

« Cuire / brûler » (verbe) – par ex. Gaagudju ni- « cuire », Limilngan ni- « cuire », Nunggubuyu na- « brûler ». Une courte racine ne-/ni- signifiant « cuire » ou « brûler » apparaît dans plusieurs familles non pama-nyungan avec une distribution discontinue, ce qui suggère soit un héritage ancien, soit un emprunt précoce.

Parenté et parties du corps#

« Oncle maternel » (terme de parenté) – Généralement kaka (ou variantes comme gaga, kakaŋ, kawa) dans de nombreuses langues australiennes. Exemples : Bardi gaga, Warlpiri kakaji, Karajarri kaka. Cette forme redoublée pour « frère de la mère » apparaît de manière omniprésente dans les groupes pama-nyungan et non pama-nyungan, ce qui suggère un vocabulaire de parenté proto-australien.

« Main / bras » (nom) – par ex. Guugu Yimithirr mara, Warlpiri mara, Yolŋu Matha marr. La forme mara pour « main » est extrêmement répandue en pama-nyungan, reconstruite comme proto-pama-nyungan (m)ara « main » et représentant possiblement un mot proto-australien conservé à travers les familles de langues.

Tableau récapitulatif des principaux cognats#

GloseFormes cognates (langue – forme)Notes (proto-forme ou remarques)
Je (pronom 1sg)Warlpiri – ngaju ; Gamilaraay – ngaya ; Nunggubuyu – ngayiProto-australien ŋay « je » attesté en pama-nyungan et non pama-nyungan
frapper/tuer (v.)Gamilaraay – buma-li ; Yolŋu – pu- ; Nunggubuyu – bu-Proto-australien bu- « frapper, tuer » largement attesté à travers les familles
voir (v.)Warlpiri – nyanyi ; Dharug – nhaa- ; Guugu Yimithirr – nhamiProto-pama-nyungan ña(a)- « voir » probablement hérité
s’asseoir/rester (v.)Pitjantjatjara – nyinanyi ; Djapu – nyenaProto-pama-nyungan ñiina- « s’asseoir » très répandu dans la famille
cuire/brûler (v.)Gaagudju – ni- ; Nunggubuyu – na-Proto-australien ne- « cuire » à distribution discontinue
oncle maternelBardi – gaga ; Warlpiri – kakajiLe terme de parenté « kaka » est attesté dans toute l’Australie, probablement proto-australien
main/brasGuugu Yimithirr – mara ; Warlpiri – maraProto-pama-nyungan mara « main » très répandu

FAQ#

Q1. Que sont les cognats en linguistique ?
R. Les cognats sont des mots de langues différentes qui partagent une origine étymologique commune, indiquant des relations historiques entre les langues par le biais d’un vocabulaire hérité d’un ancêtre partagé.

Q2. Combien de familles de langues existent en Australie ?
R. On reconnaît traditionnellement en Australie une grande famille (pama-nyungan avec environ 300 langues) et de nombreuses petites familles non pama-nyungan, bien que certains chercheurs proposent des liens plus profonds suggérant un ancêtre proto-australien.

Q3. Qu’est-ce qui rend les cognats australiens significatifs ?
R. La découverte de cognats à travers les langues australiennes hautement diversifiées (certaines étant aussi différentes que l’anglais et le chinois) suggère soit une ascendance commune très ancienne, soit des réseaux de contact préhistoriques étendus à travers le continent.

Q4. Ces ensembles de cognats sont-ils universellement acceptés ?
R. Non, il existe des débats pour savoir si certaines similitudes résultent d’une véritable parenté génétique, d’emprunts anciens ou de coïncidences – mais les schémas observés fournissent des éléments cruciaux pour comprendre la préhistoire linguistique de l’Australie.


Sources#

  1. Dixon, R.M.W. (1980). The Languages of Australia. Cambridge University Press. [Proto-Australian reconstructions]
  2. Harvey, Mark & Mailhammer, Robert (2018). « Reconstructing Remote Relationships: Proto-Australian Noun Classes. » Diachronica 35(4) : 470-515.
  3. Blake, Barry J. (1988). « Redefining Pama-Nyungan: Towards the Prehistory of Australian Languages. » Aboriginal Linguistics 1 : 1-90.
  4. Koch, Harold (2014). « The Reconstruction of Proto-Pama-Nyungan. » In The Languages and Linguistics of Australia, p. 151-206.
  5. McConvell, Patrick & Evans, Nicholas (1997). Archaeology and Linguistics: Aboriginal Australia in Global Perspective. Oxford University Press.
  6. Bowern, Claire (2012). « The Riddle of Tasmanian Languages. » Proceedings of the Royal Society B 279(1747) : 4590-4595.
  7. Evans, Nicholas (2003). « The Non-Pama-Nyungan Languages of Northern Australia. » Pacific Linguistics 552.
  8. Round, Erich R. (2013). « Big Data Typology and Linguistic Phylogeny: Design Principles and a Case Study with Australian Languages. » Diachronica 30(4) : 521-563.